Hands, Spells and Papers
Mains, Sorts et Papiers

Ana Mazzei
et
Félicia Atkinson
Laëtitia Badaut Haussmann
Cyril Verde et Sébastien Rémy
18/05/2018 – 21/07/2018

“Mains, Sorts, Papiers” ressemble à une variante du jeu de main à trois choix “Pierre, Feuille, Ciseaux”. Les “théories du pierre-feuille-ciseaux” livrent des analyses éclairantes sur les collisions entre hasard et prédic­tion. L’une d’elles est que si les joueurs pouvaient jouer de façon complète­ment aléatoire, ce serait le meilleur moyen d’obtenir un tiers de probabi­lité de gagner. Elles nous apprennent aussi qu’une séquence aléatoire est impossible à générer sans l’aide d’une machine, de dés ou de pièces de monnaie… Avec ce jeu de main, la compétition porte donc le plus souvent sur l’analyse du comporte­ment de l’adversaire qui, se sachant observé, change de stratégie afin de rester le plus imprévisible possible. En plus de capter toute l’attention des joueurs qui cherchent à la fois à percer la logique de l’autre et à brouil­ler ses propres suites, les chances de gagner par cette technique de déduction sont encore plus réduites et finalement les meilleurs joueurs sont ceux qui parviennent à enlever toute apparence logique à leurs choix. Le hasard apparaît alors comme inac­cessible à l’esprit humain, trop logique, trop prévisible, trop préoccupé par le lien. C’est là que le sort intervient dans le jeu comme un facteur de désordre : au lieu de mimer le hasard, laissons le sort agir et la magie nous dicter un scénario extra-humain, nous libérer de tout effort d’anticipa­tion et d’improvisation. Glissé entre la pierre, la feuille ou les ciseaux, ou entre la main et le papier, le sort libère le joueur de toute volonté de contrôle, de tout projet. Accueillir le sort, c’est reconnaître une forme de puissance aléatoire imaginaire, c’est permettre de passer de la main au papier, du projet au geste sans avoir prévu les effets de ce passage. Voilà une autre forme d’hospitalité radicale, celle qui perd le contrôle, qui s’en remet au sort et lui passe la main. Le sort, sur lequel la main ne peut rien, lui redonne goût au jeu.

Retour à l’exposition : Ana Mazzei explore la matérialité et les représentations picturales générées par la multitude de cultures visuelles intri­quées qui composent son Brésil natal, qu’elles soient de sources indigènes, coloniales et catholiques, ethnogra­phiques et scientifiques, ou contem­poraines. Inspirée par les pensées émancipatrices de Paulo Freire et d’Augusto Boal, son travail oscille entre représentations et expérience directe de l’oeuvre dans une dimension éphémère, performative et inclusive. Au cours de sa résidence à La Galerie de mai à juillet, Ana Mazzei fait de l’exposition le théâtre de ses propres processus de production. L’exposition ouvre avec des dessins préparatoires dont certains se déploieront ensuite à l’échelle de l’espace du centre d’art. Dans ces trois passages du schéma, au plan et au volume, c’est le sort qui intervient. Les visiteur.euse.s pour­ront trouver à certains endroits, des espaces disponibles pour s’installer sur la scène que l’artiste aura compo­sée en leur absence, en les attendant.

Les oeuvres de Félicia Atkinson, Laëtitia Badaut Haussmann, Sébastien Rémy et Cyril Verde gravitent, elles, autour de l’exposition. Elles habitent les entours du centre d’art et témoignent de la relation de réciprocité et de soin que des artistes peuvent apporter à l’institution qui les accueille.

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