Outre mesures et programmes radio
Le projet “Outre mesures et programmes radio” ne se veut pas détaché d’un contexte ni des événements ayant jalonné sa conception. Bien que les œuvres aient été choisies avant que n’éclatent les révolutions arabes, il est évident que leur prisme d’interprétation s’en trouve irrémédiablement altéré : du statut d’œuvres interrogeant les temporalités d’une révolution en sommeil, elles ont été transformées en signe d’un mouvement tendant intrinsèquement vers elle.
J’ai eu beau essayer de faire abstraction de cette conjoncture politique et des personnes qui y sont liées dans ma vie professionnelle et personnelle, ces questions politiques revenaient sans cesse, s’imposant implacablement dans mes pensées. Mon travail a toujours été une recherche sur la place de l’individu dans un monde soumis aux déterminations politiques. Si ces révolutions actuelles m’ont, d’une certaine manière, fait changer d’idées, elles m’ont aussi au moins amenée à me pencher à nouveau sur mes
décisions passées et à reconsidérer les moments où, ressentant une fausse impression d’impuissance, j’abandonnais trop tôt mes ambitieuses convictions. En ces temps particuliers, les artistes ont néanmoins eu le courage d’étudier les contextes dans lesquels ils s’inscrivent, et de continuer à créer en lien avec cet état de fait. De l’activisme, des références et des évènements qui viennent de s’écouler, émergent des formes issues d’une période donnée que les artistes partagent avec le public, et parallèlement, ces formes donnent une dimension abstraite à ces situations en cours d’analyse. C’est à partir de là que l’art devient un outil de mouvement, de recherche et de documentation, de commentaires et de représentation.
“Outre mesures et programmes radio” propose une réflexion en deux volets sur notre compréhension de la construction de l’histoire. Des outils d’interprétation aussi fondamentaux que les cartes et les chronologies sont ici réinventés pour évoquer un état ou prendre la tension d’une société en perpétuelle mutation. Le premier volet présente des œuvres qui repèrent des postures individuelles au sein du collectif et retracent des trajectoires singulières à l’intérieur d’un contexte social, économique et politique changeant. Alors que, par ailleurs, on réécrit l’histoire en imposant des figures et qu’on tolère des réinterprétations, ces récits singuliers se nourrissent, prêtent et empruntent aux différentes époques et générations.
À travers ses recherches littéraires et filmiques qui préfigurent le futur, Maha Maamoun donne à voir comment s’articulent le collectif et l’intime dans un cadre donné, celui des Pyramides – symbole de l’Égypte, ses règles, son peuple, sa gloire et sa lutte pour la survie. De son côté, Mohssin Harraki scrute les modalités d’accession au pouvoir et met en lumière à travers la forme de l’arbre généalogique des récits chronologiques et politiques. Au sein de chaque branche, le temps devient tangible et intangible tout à la fois, incarnant un instant qui fait apparaître un work in progress allant de l’atelier de l’artiste à l’espace d’exposition. En illustrant l’implication personnelle contenue dans l’autorité jusqu’au pouvoir, le film d’Ossama Mohammed réalisé en 1979 brave le mythe du rôle limité de l’individu dans une situation de soumission collective.
L’artiste sonore Tarek Atoui mixe à grande vitesse des morceaux de musiciens décédés, issus d’une sonothèque constituée d’une dizaine de milliers de minisamples. Atoui relie alors différentes temporalités grâce à un programme fonctionnant avec des algorithmes mathématiques en série allié à un système de capteurs détectant la pression de son corps. Mobile, l’œuvre d’Otobong Nkanga explore les différents rôles et usages d’éléments qui lui sont familiers au sein d’autres contextes que ceux de sa ville natale. Peu montré dans le cadre d’expositions d’art contemporain, Hassan Soliman trouva temporairement refuge dans l’abstraction après la défaite arabe lors de la guerre de 1967. Dès lors, il se mit à intégrer pendant de nombreuses années à ses peintures des détails évoquant des évènements survenus dans sa propre vie.
En 1968, pointant déjà les questions abordées dans l’exposition, Hassan Soliman écrivait : “L’art exprime la tension entre passé et présent, mais ne les sépare pas. Il ne s’agit pas d’une entité aux limites perpétuelles. C’est à la fois une manifestation du passé, un moyen de rester éveillé et de s’inscrire dans un futur en gestation… Existe-t-il un art qui articulerait nos présent et futur, tout en restant lié à notre passé ? Qu’est-ce ce soi disant “art révolutionnaire” ? Et quelle sorte d’art peut apporter la promesse d’une société à tout jamais prospère ? Cevdet Erek a conçu pour l’exposition une nouvelle règle indiquant le temps : non content d’être une simple image du passé, c’est aussi une tentative de rêver le futur. Alors que nous avançons dans le temps, doucement, de gauche à droite comme si nous suivions la ligne de cette édition produite en quantité Ruler Near [Règle proche], cette règle devient alors un projet du et sur le passé.
Ala Younis
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Autour de l’exposition
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21/05/2011
de 20h à 21h
Concert-performance de Tarek Atoui pendant le vernissage. -
28/05/2011
de 16h à 17h30
Table ronde avec les artistes de l’exposition, modérée par
la curatrice, Ala Younis, à Bétonsalon, Paris. -
18/06/2011
de 18h à 19h
Visite à deux voix de l’exposition par Ala Younis et Marianne Lanavère. -
25/06/2011
de 16h à 17h
Atelier radiophonique autour de l’exposition par Ala Younis et Otobong Nkanga. -
09/07/2011
de 16h à 17h30
Atelier radiophonique.